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Pour entamer
Une certaine piste du vivant
Estomper ne serait-ce qu’une frontière

Prends une carte

Froisse-la longuement

En déployant sa surface sur la table
Les courants de fonds remonteront devant tes yeux
Tu pourras alors glisser au long d’une topographie nouvelle
Parcourir les lignes folles tracées à même le coussin des pattes et les piqués vertigineux
Te laisser porter par des radeaux de racines mouvantes
Suivre les sentiers humant le bord des ruisseaux
Te glisser la tête à même les lucarnes juchées au sommet des pins

Avec tous ces signes s’animant sous tes yeux
Tu croiras enfin voir le réel
Tel qu’il est

Alors, mieux encore, ne prends pas la carte avec toi et
Pars
Écoute
Regarde
Renifle

Apprends les mots pour tout nommer
Puis
Une fois que
Sittelle à poitrine blanche deviendra cette arabesque souriante
Cette manière de prendre dans le bec la tête en bas
Le furtif même

Une fois que
Tu lèveras la tête à tout bout de champ
Aux appels des bruants, des pics, des mésanges
Que tu auras éraflé tes genoux dans une course haletante pour remonter
Vers la percée de la grive

Une fois que
Le quartz dans le grès deviendra pour toi un chapitre
Dans l’histoire des rivages

Laisse les mots
Laisse-les se reposer
Un moment

Ne prends les mots que dans la mesure où ils t’animent
Où ils affinent tes sens
Mais redoutes-les sitôt que tu sens un voile
Se poser sur le chant du merle
Ou sur la corolle d’un quatre-temps

Non plutôt
La sittelle doit rester cette ouverture constante vers l’inconnu
Une autre façon d’appréhender le réel

La tâche de quartz doit quant à elle doit prendre la forme d’un nuage et le grès
la forme d’un ciel qui n’attend que ces nuages

Sans poésie
Tu croiras peut-être que l’homme n’est pas chez lui
Tu voudras remanier la carte et oublier les lignes souples
Que tu y découvrais

Ou encore
Sans poésie
Tu croiras que l’homme est une erreur de parcours
Dans la marche du monde
Une erreur
Qu’il faudrait effacer au profit d’un certain sauvage

Je n’y crois pas
Je l’entends remuer en nous ce sauvage
Je l’entends exiger de froisser une carte encore
De mettre nos bottes et notre nez dehors
D’être ingénieux
De construire
D’inventer des histoires à habiter

J’entends le vent nous demander de porter à nouveau l’oreille
à la trop banale mésange
Et de s’exercer à entendre une différence

C’est dans cet intervalle seul
Que nous pourrons honnêtement
Nommer la mésange
Mésange